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Présentation

Plus digne la vie : pour une dignité en acte
Emmanuel Hirsch, Initiateur du Collectif Plus digne la vie



Nos obligations au service de la cité

Nous avons choisi le 10 décembre 2008, soixante ans après la promulgation de la Déclaration universelle des droits de l’homme, pour rendre publique la création du Collectif Plus digne la vie. Le principe de dignité affirmé dans son article premier est constitutif des valeurs éthiques de la démocratie. Cette idée de dignité fonde nos devoirs de respect, de solidarité, tout particulièrement à l’égard des plus vulnérables parmi nous. En pratique, le souci de dignité témoigne d’une sollicitude qui s’exprime de manière tangible dans le champ du social en termes de résistance face aux mentalités du mépris, de l’indifférence mais également de confrontation à l’arbitraire et aux situations d’injustice. Des associations militantes et même des institutions incarnent des positions et soutiennent des initiatives qui procèdent d’une conception politique de la dignité. Dès lors quel plus beau terme aurions-nous pu trouver pour honorer des combats au service de la personne dans sa vie ?
Nous souhaitons constituer à la fois un espace de médiation et une plate-forme de propositions dans des domaines parfois négligés de la vie sociale. Notre manifeste comptait déjà plus de 1000 signataires un mois après l’ouverture du site plusdignelavie.com ! C’est dire que notre ambition est d’associer à cette démarche des citoyens et des structures qui se reconnaîtront dans notre démarche.

Lorsqu’en 1995 le Directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris m’a confié la création de l’Espace éthique/AP-HP, personne n’aurait pensé que nous développerions au sein du groupe hospitalier une structure désormais reconnue par le législateur et qui constitue le seul centre collaborateur de référence en éthique de l’OMS pour l’Europe. Il m’apparaissait évident que l’émergence de nouvelles formes du questionnement éthique trouvait au sein de l’hôpital une signification particulière qu’il convenait d’accompagner. Notre constat aujourd’hui procède d’une analyse assez similaire. Nous observons, parfois aux marges de la cité, l’expression de revendications et de projets porteurs de valeurs et de significations qu’il ne faut pas négliger ou mépriser. En pratique, souvent en dehors des systèmes établis, des acteurs anonymes de la vie sociale assument une fonction assez exceptionnelle qui vise à préserver (parfois à reconstituer) un lien, un sens, une cohésion pourtant bien fragiles. Mais ce qui paraît plus important c’est que cet engagement concret inspiré par une certaine conception de l’idée d’humanité, cette créativité, ce mode d’exercice d’une citoyenneté consciente de responsabilités à l’égard des fragilités que suscitent nos modes de vie, permettent d’entrevoir des lignes d’horizons, des repères là même où nous doutons le plus. Cette dignité en acte nous interroge, nous souhaitons mieux la comprendre, en relayer certaines de ses initiatives, lui conférer une reconnaissance qui lui est trop habituellement refusée.

Il convient de se consacrer en pratique aux aspects les plus immédiats, les plus quotidiens de la responsabilité éthique, de comprendre que s’y jouent les aspects déterminants de la vie démocratique, du vivre ensemble. L’éthique démocratique relève de la qualité du débat d’idée, de l’argumentation et donc de la capacité reconnue à chacun d’accéder à une culture qui lui permette une délibération. Je ne suis pas certain que les différentes approches actuelles d’une éthique institutionnalisée ou restreinte à des experts, s’avère toujours respectueuse de l’exigence d’un débat au sein de la cité. Dans ce domaine j’attends beaucoup, certes, des initiatives parlementaires, mais également d’une mobilisation de la société dans ses différentes composantes. Avec modestie nous situons notre projet en complémentarité avec d’autres réalisations de qualité qui s’efforcent de favoriser la médiation, la mise en commun d’observations, d’expériences, d’expertises dites profanes et de savoirs. Notre démarche n’est ni institutionnelle, ni commerciale, mais relève d’une conception politique de nos obligations au service de la cité.

Militants de la dignité

C’est ainsi qu’au sein de l’équipe qui s’est constituée pour créer le Collectif Plus digne la vie nous avons été sensibles à l’usage pour le moins équivoque du concept de dignité appliqué au modèle de la « mort dans la dignité » que certains érigent pour revendiquer une dépénalisation de l’euthanasie. Ayant à cœur dans nos objectifs de défendre la dignité et les droits de personnes vulnérables, il apparaissait évident que les circonstances si délicates et particulières des fins de vie médicalisées justifiaient une approche significative. Cet enjeu constitue le propos majeur de cette première phase de montée en puissance du site, car les personnes malades et leurs proches aspirent à d’autres expressions du souci de dignité et de la solidarité sociale que leur mise à mort médicalisée. Dès lors, dans ce contexte de confusion savamment entretenue, il nous semble important de poser en des termes explicites nos responsabilités à l’égard d’une personne atteinte de handicaps ou de maladie incurable, s’agissant de sa dignité et de ses conditions d’existence en société jusqu’au terme de sa vie. De ce point de vue nous sommes en parfaite conformité avec la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Elle constitue selon moi l’un des plus grands textes actuel de l’éthique politique par son souci de concilier les principes d’humanité et les aspects les plus concrets des dilemmes liés aux circonstances les plus extrêmes de certaines fins de vie. Toutefois d’autres aspects de la fin de vie peuvent être envisagés à travers l’attention que nous consacrons aux activités de maraude et tout particulièrement au Collectif les morts de la rue dont nous sommes très proches.

Attribuer à la dignité une autre valeur politique, notamment en conférant une meilleure visibilité à ceux qui en assument le défi, constituer une passerelle, parmi d’autres, qui favorise une plus juste compréhension de ce qui se constitue d’essentiel là même où trop souvent notre société abdique, définit un champ assez ouvert et vaste pour ne pas tenter de tout circonscrire a priori. Nous sommes au début d’une démarche qui va solliciter de notre part une capacité de fédérer des enthousiasmes, des talents, des compétences dont dépendra le développement de Plus digne la vie. Les premières réactions et les soutiens qui nous sommes proposés confortent dans le sentiment que nous répondons déjà à une attente même si elle est encore à préciser. Je me fixe un premier bilan d’étape en décembre 2009, sachant que d’autres engagements nous contraignent à une ambition mesurée, progressive, puisque cette initiative procède d’une logique associative assumée par des bénévoles. Un indice selon moi significatif de l’impact de notre action tiendra à la faculté de réunir dans des projets communs des associations qui partagent de mêmes valeurs et apparaissent souvent assez démunies, seules dans leurs combats. Les idées ne manquent pas à cet égard. Les militants de la dignité, plus présents qu’on ne le pense à tous les niveaux de la cité, y compris dans les institutions, devraient être davantage reconnus dans les valeurs qu’ils incarnent et défendent. Parvenir à contribuer à une plus juste compréhension de ce qu’ils sont et de ce qu’ils font au quotidien, dans ces moments à la fois ordinaires et exceptionnels de la solidarité témoignée à l’autre, contribuera également à retrouver confiance en notre démocratie, plus digne qu’on ne le pense des principes qui la constituent. Ainsi, à titre d’exemple et pour me limiter à un domaine qui m’est familier, je considère particulièrement important de soutenir les priorités gouvernementales dans les domaines de la maladie d’Alzheimer, des handicaps, des cancers et des soins palliatifs. Car on sait qu’au-delà de causes spécifiques ces engagements touchent à la multiplicité d’autres enjeux démocratiques.
Chacun assume ainsi ses responsabilités. Nous sommes dans notre rôle en faisant valoir certains principes susceptibles d'éclairer les décideurs politiques et de contribuer à la vie morale de la cité, et ainsi à sa dignité.


avec le concours des agences Ladgé associés et Atelier Maupoux